Si il y a une sous culture qui a fortement influencé le monde de la mode c’est bien le punk. Le Costume Institut du Metropolitan Museum of Art de New York a rendu hommage à la pérennité de l’influence de ce mouvement en présentant durant l’été 2013 l’exposition Punk : Chaos to Couture. Le principe initiateur de cette exposition était d’introduire l’idée du punk comme esthétique et de montrer ses impacts sur le monde de la haute couture.
Pour ce faire, l’exposition se concentre sur des parallèles formels entre le concept de Do it yourself emblématique de la culture punk, et l’influence que celui-ci a pu avoir sur la haute couture. Afin d’affirmer cette position, les curateurs ont opté pour des choix de mise en espace basés sur des comparaisons stylistiques entre création textile punk et création de haute couture. L’exposition présente des pièces iconiques de haute couture telles que la robe ajourée d’épingles à nourrice de Versace ou encore le célèbre tailleur de Chanel dans sa version déchirée.
Le mouvement punk surgit dans les années 1970 en marge du glam rock, en imposant une alternative prolétarienne face à l’élégance des protagonistes superstars de la musique rock déjà en place. Utilisant l’humour et l’insolence à travers divers signifiants (chaines, trous, t-shirt à slogans, etc.) pour proclamer sa condition ; la génération punk visait en partie à contester le pseudo-intellectualisme des générations de musiciens précédentes. Selon le sociologue Dick Hebdige « on peut concevoir le punk comme un post-scriptum provocateur griffonné au pied du “texte” du glam rock, comme pour moquer son style exagérément baroque »[1]. Le mouvement punk écrasa toutes les conventions sur les bonnes présentations et les bonnes manières, que celles-ci soient basées sur l’âge, le genre ou la sexualité. Ainsi le mouvement s’attachait à défendre l’originalité et l’individualité en imaginant des codes visuels spécifiques dans l’intention de se rebeller contre le courant culturel mainstream en place.
De nombreux mouvements rassemblés sous l’égide du punk (hardcore, glam, straight-edge, etc) complexifie l’impossible définition du punk. On l’a souvent réduit à sa musique et à l’univers de la mode mais le punk expose aussi des dualités sociologiques telles que « originality and plagiarism ; anti-commercialism and commercialism; sophistication and dumbness; humour and seriousness [2]». On peut dire qu’il incarne une période, jamais vue depuis, où les artistes ont contribué à faire reconnaître des idées politiques et une certaine notion de la résistance dans tous domaines confondus.
Cette exposition en établissant des liens formels entre la contre culture punk et la haute couture tente de démontrer l’influence à travers la ligne du temps de l’esthétique punk sur la mode. Mais peut-on parler d’une esthétique punk ?
“When the term punk surfaced it didn’t mean anything. We were doing something and people gave it a name. […] The punk look evolved in our shop at 430 kings road, Malcolm and I changed the name and the decor to suit the clothes as our ideas evolved. I did not see myself as fashion design but as someone who wished to control the rotten status quo through the way I dressed. Eventually this sequence of ideas culminated in punk”[3].
Cette citation de Vivienne Westwood explicite bien la problématique autour de l’idée que l’on peut se faire du punk, ce terme n’a peut être plus de signification si il englobe trop de concepts. Le punk s’est avant tout imbriqué dans la destruction du système de la mode occidental influencé par les créateurs parisiens depuis de décennies. Son esthétique semble bien exister puisque nous sommes capables d’en identifier les signes.Il est cependant primordial de comprendre que si les stratégies plastiques du punk perdurent encore aujourd’hui c’est par leur pouvoir de subversion du quotidien et de leurs propres origines. Le punk tout comme le dandy, ne peut s’affranchir de ses origines, pour l’un l’élite, pour l’autre le bas de l’échelle du spectre social ; ils trouvent chacun leur ligne de force et leur geste dans le milieu qui les a vu naitre.
Le punk a également influencé la disparition de l’affirmation des genres, les deux sexes étant dévoués à la composition d’un style, une attention qui était auparavant réservée aux femmes de la société bourgeoise. Cette caractéristique ne se retrouve cependant pas dans les murs du Metropolitan. Pourtant la culture punk a été une force dans le soutien de l’androgynie. Les questions des genres étaient remises en question, ainsi que la notion de bon goût à travers l’essence même des attentes de la société envers les représentations.
On peut dire que cette exposition a repris des codes punks mais en a laissé de côté un bon nombre. Ainsi une esthétique punk semble bien exister mais celle-ci s’est vue évaluée par d’autres que par ses créateurs en tant « qu’esthétique » ; le mouvement punk ne cherchait pas à établir de valeur sur lui même. Ce qui apparaît pourtant clair aujourd’hui, c’est que, plutôt qu’une esthétique, l’essence du punk a pénétré les couches de la culture populaire et de la culture élitiste à travers la mode. Sous forme diluée, popularisée, ses signes restent identifiables. L’exemple de cette exposition montre à quel point les contre cultures, en tête le punk, font l’objet d’une esthétisation, esthétisation qui passe par des processus économiques, sociologiques, médiatiques et finalement muséaux.
Du “Do it Yourself” à la haute couture – L’exemple de « Punk : Chaos to Couture » au Metropolitan Museum de New York par Aurélie Vandewynckele [1] Dick Hebdige, Sous Culture : Le sens du style, 2008, p.67https://fr.wikipedia.org/wiki/Mode_punk